J’adore Charles Pépin car il fait de la philosophie une force de vie quotidienne. Dans un édito récent il nous invite à nourrir notre feu intérieur, même en période de crise mondiale, pour ne pas passer à côté de soi, ni des autres.
« Rencontrer quelqu’un, c’est découvrir un monde ; c’est aussi se redécouvrir, explorer des facettes de soi qui, sinon, resteraient en friche. Passer à côté de quelqu’un, c’est passer à côté de soi, de son bonheur, de sa vérité.
Picasso, sans son coup de foudre en amitié avec Eluard, ne serait pas devenu un artiste engagé. Camus, grâce à sa passion pour Maria Casarès, a enfin réussi à dire oui à la vie. Emilie du Châtelet, sans sa rencontre avec Voltaire, n’aurait pas écrit le même Discours sur le bonheur.
Nous avons besoin de rencontrer d’autres que nous – même pour devenir nous – même. Ni les animaux ni les dieux ne sont ainsi jetés hors d’eux-mêmes pour se trouver enfin. Une vie vraiment humaine est une vie « à l’extérieur de soi », écrit René Char, hors de chez soi aussi, dans l’aventure de la rencontre. Les confinements, couvre-feux, cette crise mondiale qui nous demande de ne pas nous rencontrer, et même de nous croiser le moins possible, représentent donc un défi inédit. Mais nous pouvons le relever. Même chez nous, nous pouvons sortir de nous-même – de nos habitudes, de nos certitudes, de nos préjugés… Et initier ce mouvement qui est celui de la rencontre. Découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux films, se demander ce qui est vraiment essentiel, ouvrir les yeux sur la beauté de la nature… Bref, cultiver notre vie intérieure.
Quand nous pourrons de nouveau nous rencontrer, sans entrave aucune, dans le monde extérieur, nous serons riches de cette vie intérieure : c’est elle que nous aurons à offrir à cet inconnu, à cet être qui saura nous surprendre et peut-être changer notre vie amoureuse, amicale ou professionnelle.
Les grandes rencontres se préparent …
Notre vie intérieure est un feu qu’il nous faut entretenir. Le feu a beau être couvert, il n’est pas éteint. Bien au contraire, il attend son heure pour jaillir, donner sa pleine mesure. Nourrir sa vie intérieure, puis s’aventurer dans le monde extérieur : dans ce mouvement pareil à une valse à deux temps se loge le secret des belles rencontres. »
Par Charles Pépin, philosophe et écrivain.

Il vient de publier La Rencontre, une philosophie ( Allary Editions, 2021).
Ses autres essais philosophiques ont rencontré un beau succès : Ceci n’est pas un manuel de philosophie (Flammarion, 2010), Quand la beauté nous sauve (Robert Laffont, 2013) Les Vertus de l’échec (Allary Éditions, 2016) et La Confiance en soi (Allary Éditions, 2018).
En 2020, il lance un podcast de 30 minutes sur une question philosophique. A écouter gratuitement sur Spotify « Charles Pépin : une philosophie pratique » – Des idées et des conseils pour vivre plus fort 🙂
Vous pouvez retrouver cet édito dans le Figaro Madame des 15 et 16 janvier 2021. Photos Unsplash et charlespepin.fr