L’essentiel

Dans cette période de confusion où nous sommes, je me pose beaucoup de questions sur ma propre vie et le sens que je voudrais lui donner. Je m’éparpille entre ma volonté de « sauver » la planète tout en étant confrontée à mes propres contradictions en tant que consommatrice, utilisatrice de réseaux sociaux… J’ai l’impression d’avoir un pouvoir énorme et de mal m’en servir, ce qui me laisse insatisfaite.

En relisant, Le livre des chemins d’Henri GOUGAUD, j’ai déniché ce récit que je vous laisse découvrir et dont vous tirerez peut-être, comme moi, un peu d’humilité.

« Il était jeune, il était roi. Il avait à cœur de bien faire mais s’estimait trop ignorant pour une charge aussi pesante. « C’est bon signe, pensaient les sages. La prudence et l’humilité sont, pour un roi, des vertus rares. » Il peupla donc ses déjeuners, ses jardins, ses salles d’étude de grands savants et d’érudits. Il apprit ainsi auprès d’eux que partout, dans le vaste monde, des gens, depuis la nuit des temps, pensaient, réfléchissaient, exploraient des mystères, cherchaient et découvraient des secrets de la vie. Il en fut si ému qu’il proclama ceci :

– Qu’une armée pacifique à travers mers et terres aille recueillir ces savoirs. Je veux que vienne ici tout ce que l’homme sait.

Des émissaires par milliers s’en allèrent donc chevauchant vers tous les horizons du monde.

Près de quinze années s’écoulèrent. Enfin revinrent des grands fleuves, des monts, des steppes, des déserts d’interminables caravanes chargées de livres, de rouleaux, de parchemins, d’objets sacrés, encyclopédies, d’œuvres peintes.

On dut bâtir une cité de musées et de bibliothèques pour accueillir tous ces trésors. Le roi parcourut à cheval ses longues rues, ses places rondes décorées d’antiques statues. Il en fut aussi fier qu’exténué d’avance. Jamais il ne pour­rait tout lire, tout apprendre, tout méditer. Il demanda donc aux lettrés de rédiger pour chaque science un seul ouvrage explicatif.

Après dix années de labeur, ils remirent au roi la clé d’une salle monumentale aux quatre murs de haut en bas couverts de dossiers manuscrits. Il en fit le tour, lentement. Sa barbe se faisait neigeuse. Quoique fringant, il se savait sur le versant gris de la vie. Il dit à son Conseil des sages :

-Trop lourd, trop de mots, trop de pages. Mille ans ne me suffiraient pas pour tout lire et tout méditer. Allez à l’essentiel. Je me contenterai d’un article par science.

Il fallut huit ans aux lettrés pour mener à bien leur ouvrage. Quand ce fut fait, un matin bleu, le roi les reçut dans sa chambre. Il se mourait d’un vieux chagrin enraciné dans un amour que l’on avait cru oublié. Ils déposèrent à son chevet un livre épais de six cents pages.

– Je n’ai plus le temps, leur dit-il. Résumez d’une seule phrase ce qu’il importe de savoir.

Les conseillers se consultèrent. Le plus ancien sortit du rang, se pencha sur le lit royal. Il murmura :

– Roi sans pareil, en un mot comme en cent et mille quoi qu’il arrive, bien ou mal, dans ce monde inhospitalier où nous sommes tous de passage, tout vient, tout passe et passera.

Le roi sourit, et trépassa. »

Henri Gougaud est écrivain, poète, conteur. Il est l’auteur de nombreux ouvrages comme Petits contes de sagesse pour temps turbulents et Le livre des chemins (Albin Michel).

Comme dans ce conte, toutes les grandes traditions spirituelles de l’humanité insistent sur la notion « d’impermanence ».

Les jours succèdent aux jours, les événements succèdent aux événements et l’histoire s’écrit. Ce qui était n’est plus, tout change. Inséré dans cette impermanence, l’être humain, chacun de nous, lutte de toutes ses forces pour s’accrocher à ce qui l’entoure. Il s’accroche à ses croyances, à ses façons de voir, à ses principes, à ceux qu’il aime, à ses biens, à sa santé, à ses œuvres, à sa sécurité. Il cherche à contrôler ceux qui l’entourent, à dominer les événements, à influencer le cours de son destin.

Investi dans cette quête de contrôle, l’individu perd le calme intérieur, perd sa sérénité et met toute son énergie à nourrir l’illusion qu’un jour il parviendra à contrôler pleinement sa vie.

Or vivre, c’est commettre des erreurs.

Et sans renier ses valeurs, l’important n’est-il pas de vivre pleinement et avec conscience le moment présent plutôt que de ressasser un passé fini et de de se soucier d’un futur imaginaire ?

Sylvie Pronost, sophrologue.

Photos Unsplash

Auteur : Sylvie Pronost

Un site pour vivre mieux : relaxations guidées, outils de sophrologie et philosophie de vie. Un site antistress :)

2 commentaires

Laissez un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s