Entre deux branches d’arbre, dans un creux, un cocon. Un homme l’observe. Il devine une ouverture minuscule dans cet œuf qui ressemble à un morceau d’écorce. Un papillon, bientôt, va naître. L’homme le voit qui s’insinue par ce trou trop menu pour lui, et qui s’efforce, et qui s’échine, un millimètre après un autre, et qui semble tant s’épuiser qu’il s’arrête, à demi sorti.
«La pauvre bête n’en peut plus, se dit l’homme. Je vais l’aider. »
De la pointe de son couteau il élargit la porte étroite. Le papillon, d’une poussée, vient au monde enfin, se délivre, mais son corps est gonflé, pesant, et ses ailes sont trop petites, elles paraissent ratatinées. L’homme pense qu’elles vont bientôt se déployer, et que ce ventre qui se traîne, obèse, disgracieux, va perdre ce poids qui l’encombre, mais non, le papillon est informe à jamais.
L’homme ne savait pas que l’insecte, pour vivre, avait besoin de son combat, que son effort exténuant contre l’exiguïté du seuil poussait le liquide du corps vers les ailes encore chétives pour leur donner leur force, leur exacte beauté, leur juste dimension. Il avait cru bien faire, comme nous qui voulons aplanir les obstacles devant les pas de nos enfants. Ils n’en seront pas forcément plus heureux et risquent d’en rester infirmes.
(d’après Henri Gougaud)
Mon esprit de maman est particulièrement retenu par la pertinence de ce récit. Notre générosité spontanée de parents et plus précisément de mères (étant femme, je parlerai au nom de celles-ci dont la nature même est de donner) nous conduit bien souvent à la même erreur.
Sachons nous souvenir au quotidien (tout commence par les petits gestes) de cette belle histoire afin de parvenir à retenir nos mains avant d’offrir une aide qui ne nous a pas été demandée. Et ceci ne concerne pas que les enfants !
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Magnifique…
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